La Mère Bobi. -comment, deux hommes de votre
âge ! Car toi, Gilles-Nicolas Mathurin, tu es
né.... sept de janvier de l' année....
Mathurin. -après, après ; nous savons notre âge.
Pierre. -oui.
La Mère Bobi. -je t' ai tenu, sans reproche, dans
mon tablier.
Mathurin. -ensuite ? Dites, ou nous nous en allons.
Pierre. -nous vous laissons là.
Rose. -je crains bien....
Colas. -elle va nous parler des aveugles.
La Mère Bobi. -tu voudrois bien que tout le monde
le fût. Souffrir que ce petit scélérat et cette
effrontée se parlent à la fenêtre tant que la nuit
dure !
Rose. -ah, comme c' est faux !
Colas. -ah, peut-on mentir ! ...
Colas et Rose. -c' est faux, c' est faux.
Rose. -oui, c' est faux : mon père sait bien que je
me couche en même temps que lui.
Colas. -je couche dans la chambre de mon père.
La Mère Bobi. -oui ; et tu te lèves et tu descends
par la fenêtre du grenier, par la poulie : on t' a vu,
tout le village le sait.
Rose. -peut-on dire des choses comme ça ?
Colas. -si je savois ceux qui l' ont dit, ils
auroient affaire à moi.
La Mère Bobi. -c' est moi, c' est moi qui le dis :
voyons si j' aurai affaire à toi.
Colas. -si vous radotez.
Pierre. -tais-toi, encore un coup.
La Mère Bobi. -je radote ! Tiens, je n' aurois pas
tout dit ; mais je vais tout dire.
Colas. -je vous en défie.
Rose. -oh, ciel ! Pourquoi la défier ?
La Mère Bobi. -ne le battez pas toujours. Comment,
tout à l' heure, tu n' as pas frappé à cette porte ?
Colas. -il faut bien frapper pour entrer.
La Mère Bobi. -pour entrer ! Que n' entrois-tu ?
Que n' entrois-tu ? Tu n' as pas fait le tour de la
maison ? Tu n' as pas sauté dans la petite ruelle ?
Tu n' as pas fourré tes pieds l' un après l' autre par
les trous de la muraille ? Tu n' as pas enjambé
par-dessus le mur, et sauté dans mon jardin ?
Colas. -non, non, non.
La Mère Bobi. -non ! Non ! Comment, je ne t' ai
pas vu monter sur mon figuier ? La branche a cassé !
Ah, ciel.... mais rien ne le corrige ; il s' est relevé
comme un furieux. Comment, tu ne t' es pas relevé comme
un furieux ! Tu n' as pas monté sur mon noyer, et passé
par la lucarne ? Tiens, la voilà pour me démentir.
Colas. -non, non, c' est faux.
La Mère Bobi. -ah ! Race de satan, tu me démens.
Colas. -oui, je vous démens.