Sganarelle
Votre fille en aura besoin.
Scène VI
Jacqueline, Lucinde, Géronte, Léandre, Sganarelle
Jacqueline
Monsieu, velà votre fille qui veut un peu marcher.
Sganarelle
Cela lui fera du bien. Allezvousen, Monsieur l'Apothicaire, tâter un peu
son pouls, afin que je raisonne tantôt avec vous de sa maladie.
(En cet endroit, il tire Géronte à un bout du théâtre, et, lui passant un bras
sur les épaules, lui rabat la main sous le menton, avec laquelle il le fait
retourner vers lui, lorsqu'il veut regarder ce que sa fille et l'apothicaire font
ensemble, lui tenant cependant le discours suivant pour l'amuser : )
Monsieur, c'est une grande et subtile question entre les doctes, de savoir si
les femmes sont plus faciles à guérir que les hommes. Je vous prie
d'écouter ceci, s'il vous plaît. Les uns disent que non, les autres disent que
oui ; et moi je dis que oui et non : d'autant que l'incongruité des humeurs
opaques qui se rencontrent au tempérament naturel des femmes étant cause
que la partie brutale veut toujours prendre empire sur la sensitive, on voit
que l'inégalité de leurs opinions dépend du mouvement oblique du cercle
de la lune ; et comme le soleil, qui darde ses rayons sur la concavité de la
terre, trouve...
Lucinde
Non, je ne suis point du tout capable de changer de sentiments.
Géronte
Voilà ma fille qui parle ! O grande vertu du remède ! O admirable
médecin ! Que je vous suis obligé, Monsieur, de cette guérison
merveilleuse ! et que puisje faire pour vous après un tel service ?
Sganarelle, se promenant sur le théâtre, et s'essuyant le front.
Voilà une maladie qui m'a bien donné de la peine !
Le Médecin malgré lui
Acte III 58