Mais un grand nombre de sages
du paganisme, sans le secours de la
révélation judaïque, n' ont-ils pas
découvert un dieu suprême, maître de
tous les autres dieux ? D' ailleurs,
le destin, auquel tous les autres dieux
du paganisme étoient subordonnés, n' étoit-il
pas un dieu unique, dont la nature
entiere subissoit la loi souveraine ?
Quant aux traits, sous lesquels
Moïse a peint sa divinité, ni les
juifs, ni les chrétiens, n' ont point droit
de s' en glorifier. Nous ne voyons en lui
qu' un despote bizarre, colere, rempli
de cruauté, d' injustice, de partialité, de
malignité, dont la conduite
doit jetter tout homme, qui le médite,
dans la plus affreuse perpléxité. Que
sera-ce, si l' on vient à lui joindre des
attributs inconcevables, que la théologie
chrétienne s' efforce de lui attribuer ?
Est-ce connoître la divinité, que
de dire que c' est un esprit , un être
immatériel , qui ne ressemble à rien
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de ce que les sens nous font connoître ?
L' esprit humain n' est-il pas confondu
par les attributs négatifs d' infinité,
d' immensité, d' éternité, de toute-puissance,
d' omniscience , etc. Dont on n' a
orné ce dieu, que pour le rendre plus
inconcevable ? Comment concilier la
sagesse, la bonté, la justice, et les
autres qualités morales que l' on donne
à ce dieu, avec la conduite étrange, et
souvent atroce, que les livres des chrétiens
et des hébreux lui attribuent à
chaque page ? N' eut-il pas mieux valu
laisser l' homme dans l' ignorance totale
de la divinité, que de lui révéler un
dieu rempli de contradictions, qui
prête sans cesse à la dispute, et qui lui
sert de prétexte pour troubler son repos ?
Révéler un pareil Dieu, c' est ne
rien découvrir aux hommes, que le
projet de les jetter dans les plus grands
embarras, et de les exciter à se quereller,
à se nuire, à se rendre malheureux.
Quoi qu' il en soit, est-il bien vrai