Un diadème de perles contourne sa chevelure disposée en rouleaux
symétriques. Il a les paupières tombantes, le nez droit, la physionomie
lourde et sournoise. Aux coins du dais étendu sur sa tête quatre
colombes d'or sont posées, et au pied du trône deux lions d'émail
accroupis. Les colombes se mettent à chanter, les lions à rugir,
l'Empereur roule des yeux, Antoine s'avance; et tout de suite, sans
préambule, ils se racontent des événements. Dans les villes d'Antioche,
d'Éphèse et d'Alexandrie, on a saccagé les temples et fait avec les
statues des dieux, des pots et des marmites; l'Empereur en rit beaucoup.
Antoine lui reproche sa tolérance envers les Novatiens. Mais l'Empereur
s'emporte; Novatiens, Ariens, Meléciens, tous l'ennuient. Cependant il
admire l'épiscopat, car les chrétiens relevant des évêques, qui
dépendent de cinq ou six personnages, il s'agit de gagner ceux-là pour
avoir à soi tous les autres. Aussi n'a-t-il pas manqué de leur fournir
des sommes considérables. Mais il déteste les pères du Concile de Nicée.
--«Allons-les voir!» Antoine le suit.
Et ils se trouvent, de plain-pied, sur une terrasse.
Elle domine un hippodrome, rempli de monde et que surmontent des
portiques, où le reste de la foule se promène. Au centre du champ de
course s'étend une plate-forme étroite, portant sur sa longueur un petit
temple de Mercure, la statue de Constantin, trois serpents de bronze
entrelacés, à un bout de gros oeufs en bois, et à l'autre sept dauphins
la queue en l'air.
Derrière le pavillon impérial, les Préfets des chambres, les Comtes des
domestiques et les Patrices s'échelonnent jusqu'au premier étage d'une
église, dont toutes les fenêtres sont garnies de femmes. A droite est la
tribune de la faction bleue, à gauche celle de la verte, en dessous un
piquet de soldats, et, au niveau de l'arène un rang d'arcs corinthiens;
formant l'entrée des loges.
Les courses vont commencer, les chevaux s'alignent. De hauts panaches,
plantés entre leurs oreilles, se balancent au vent comme des arbres; et
ils secouent, dans leurs bonds, des chars en forme de coquille, conduits
par des cochers revêtus d'une sorte de cuirasse multicolore, avec des
manches étroites du poignet et larges du bras, les jambes nues, toute la
barbe, les cheveux rasés sur le front à la mode des Huns.
Antoine est d'abord assourdi par le clapotement des voix. Du haut en
bas, il n'aperçoit que des visages fardés, des vêtements bigarrés, des
plaques d'orfévrerie; et le sable de l'arène, tout blanc, brille comme
un miroir.
L'Empereur l'entretient. Il lui confie des choses importantes, secrètes,
lui avoue l'assassinat de son fils Crispus, lui demande même des conseils
pour sa santé.
Cependant Antoine remarque des esclaves au fond des loges. Ce sont les
pères du Concile de Nicée, en haillons, abjects. Le martyr Paphnuce
brosse la crinière d'un cheval, Théophile lave les jambes d'un autre,
Jean peint les sabots d'un troisième, Alexandre ramasse du crottin dans
une corbeille.
Antoine passe au milieu d'eux. Ils font la haie, le prient d'intercéder,
lui baisent les mains. La foule entière les hue; et il jouit de leur
dégradation, démesurément. Le voilà devenu un des grands de la Cour,
confident de l'Empereur, premier ministre! Constantin lui pose son
diadème sur le front. Antoine le garde, trouvant cet honneur tout simple.