appartemens, et il lui reste à peine de la place
pour loger sa propre personne. Il n' a de commerce
qu' avec eux ; ils lui tiennent lieu de tout. Il
passe des journées entieres à contempler leur bec
crochu, leurs serres tranchantes, leurs couleurs
nuées, ondées, tranchées. Il sait le nombre de
leurs grosses plumes, et il n' est pas une
écaille de leurs jambes qui ne l' ait occupé quelques
heures. Le feu de leurs yeux, la fierté de leur
contenance, leur force, leur rapacité l' enchantent,
le transportent. Il tressaille de joie
quand ils accourent au leurre et qu' ils déchirent la
viande qu' il leur présente. Il déplore alors le sort
de ceux qui sont insensibles à ces plaisirs ; leur
indifférence l' étonne, et il ne conçoit pas qu' on
puisse vivre heureux sans quelque connoissance des
oiseaux de proie. L' éducation sourit de
l' enthousiasme d' ornithophile, et appercevant sous
cette écorce singuliere les germes d' un observateur
et d' un naturaliste, elle projette de les développer.
Elle conduit ornithophile dans une bibliotheque.
Là, elle lui met en mains un traité d' ornithologie,
où elle lui montre ses chers favoris peints d' après
le naturel. Ornithophile, qui a l' imagination pleine
des originaux,
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découvre bientôt des défauts dans les copies : ici,
c' est un bec trop recourbé ; là, c' est un oeil qui
n' est pas assez ouvert ou une tête trop applatie :
ailleurs, c' est un corsage trop effilé, des
couleurs mal rendues, une queue trop courte
ou trop fermée, des doigts mal proportionnés, etc.
Toutes ces remarques sont justes, et l' éducation ne
manque point de les approuver. Elle propose ensuite
à ornithophile de jeter un coup d' oeil sur
l' histoire particuliere de chaque oiseau. Il
n' en trouve pas les descriptions moins défectueuses
que les figures, et il indique bien des
particularités qu' il a observées et qui ont été
omises. L' éducation applaudit au naturaliste
naissant, et flattant adroitement son amour propre,
elle l' invite à écrire ses observations et à les
perfectionner, afin de les communiquer aux maîtres
de l' art. Ornithophile se laisse aisément persuader :
il se met à écrire ; les découvertes se multiplient ;
l' esprit d' observation se développe, et l' éducation
n' a plus qu' à le porter sur d' autres sujets
d' histoire naturelle ou de physique.
Phidias a un talent particulier pour imiter en
pâte tout ce qu' il voit. L' éducation substitue