première. Toutes deux sans doute conciliables, mais logiquement
indépendantes : celle de Linné peut être démontrée
fausse, sans que celle de Buffon et de Lamarck soit
en rien atteinte, comme la fausseté démontrée de celle-ci
laisserait intacte la question de la fécondité des hybrides.
Les vues émises par Linné, en 1759 et 1762, ne sont
donc nullement celles de Lamarck et de l' école moderne
de la variabilité. Mais elles n' en sont pas moins très
dignes d' attention, et cette école est fondée à y voir,
sinon un acquiescement à ses doctrines, du moins une
atteinte, et des plus graves, portée aux doctrines contraires
par la main même de leur principal défenseur.
Linné, partisan absolu, et par excellence, durant un
quart de siècle, de l' immutabilité du type, reconnaît maintenant
lui-même, puisqu' il cherche à l' expliquer, la production
possible de nouvelles espèces, et par là même
remet en doute tout ce qu' il avait affirmé. Où il avait cru
la solution obtenue, il ne reste plus, de son propre aveu,
qu' une question à résoudre.
Et s' il faut une preuve de plus, la voici, et toute négative
qu' elle est, on n' en contestera pas la valeur.
Les auteurs ont à peine remarqué, et surtout ils n' ont
jamais expliqué une différence bien digne cependant d' attention,
entre les premières et les dernières éditions du
systema naturae. A partir de la dixième, si profondément
remaniée par son auteur, qu' on peut presque la dire une
oeuvre nouvelle, on cherche en vain la proposition : nullae
species novae, et tout le passage si remarquable dont Linné
avait fait tour à tour son exorde et une de ses conclusions
finales. Pourquoi ? Nous l' apercevons maintenant
p383
très clairement. Dans ce qui avait été pour lui, pendant
vingt ans, la notion fondamentale, Linné ne voyait
plus qu' une hypothèse hasardée, et il l' effaçait de son
livre.
Zzzv.
Ce que Linné est pour le système de la fixité, Buffon
l' est pour le système contraire ; c' est depuis l' histoire
naturelle, et par elle, que ce dernier a pris rang dans la
science.
Sans doute, dès l' antiquité, plusieurs philosophes avaient
vaguement imaginé qu' une espèce peut se transformer en
une autre : cette doctrine paraît avoir été, dès le zzzvie siècle
avant notre ère, celle de l' école ionique, et l' on peut ainsi
la faire remonter, aussi bien que le système de la fixité,
jusqu' à l' origine des études philosophiques. Sans doute
aussi, la même doctrine avait reparu à plusieurs reprises, au
moyen âge et dans les temps modernes : elle est dans plusieurs
livres hermétiques, où la transmutation des espèces